Chers tous,
Bienvenue dans l'édition #11 de Tête Chercheuse. Que vous m'accompagniez depuis le premier numéro ou que vous veniez tout juste de me rejoindre, merci de me lire.
On parle souvent des ruptures amoureuses. Elles ont leur grammaire, leurs symboles, leurs scénarios mille fois rejoués. Elles s’exposent, elles s’écrivent, elles se chantent. On les dramatise, on les sublime, on les analyse. On les pleure à coup de verres de vin rouge et de playlists mélancoliques.
Mais les ruptures amicales… Celles-là, on les laisse dans l’ombre, on les tait. On les emballe sous des formules toutes faites : "Chacun sa route", "La vie suit son cours", "On s’est éloignés, c’est comme ça." Alors qu’elles laissent, elles aussi, des vides béants, des blessures sourdes et des deuils sans funérailles.
Dans cette onzième édition, ma Tête Chercheuse s’attaque à ce tabou dont personne ne parle mais qui fait pourtant partie des plus grandes douleurs : les vraies ruptures amicales. 🫀🔍
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Trois vies, trois amitiés
La carapace du crabe
Les types de ruptures amicales
Scènes de rupture
Apprendre à se protéger sans s’endurcir
⌚ Temps de lecture : 9 minutes.
Trois vies, trois amitiés
Si je devais raconter mon rapport à l’amitié, je parlerais de trois périodes. Trois états d’esprit et autant de façons d’exister au milieu des autres. Trois régimes émotionnels, chacun avec ses excès, ses manques et ses leçons.
Enfant, j’étais très entouré.
Il y avait du monde à la maison, dans le village, aux écuries, dans les fêtes d’anniversaire. Des copains d’école, des enfants d’amis de mes parents, des connaissances de passage. C’était foisonnant, vivant, presque bruyant mais sans réelle intensité, sans véritable loyauté, juste des présences périphériques. Des gens avec qui on partage des jeux, des goûters, des après-midis entiers… Mais sans jamais vraiment poser son cœur quelque part.
En grandissant, l’intensité a débarqué.
J’ai commencé à vivre mes amitiés comme on vit un grand rôle au théâtre. Avec la démesure de l’âge, et l’urgence de celui qui veut tout ressentir. Je donnais tout mais j’attendais tout en retour. J’étais le feu. Impulsif, entier, exigeant. Je plaçais la barre très haut, peut-être trop haut. Le moindre faux pas me blessait, je me vexais vite, je pouvais être dur, brutal, parfois injuste. Quand je me sentais trahi, déçu ou simplement incompris, je réagissais au quart de tour. Je testais, je provoquais, je faisais payer. Mes relations étaient pleines de très hauts et de très bas. C’était passionnel, fatiguant, mais vivant. Peu de sérénité, c’est vrai. Mais aussi, paradoxalement… très peu de vraies ruptures. Avec le recul, je me dis que c’était presque tyrannique mais c’était ma façon de me construire, de tester les limites, de comprendre ce que signifiait vraiment "pouvoir compter sur quelqu’un". Un système de sélection affective brutal, mais sincère.
C’est à cette époque que la loyauté est devenue un socle pour moi. Je la cherchais, parfois à outrance, parfois avec des exigences démesurées. Mais c’est depuis ces années-là qu’elle est devenue l’un de mes piliers, un principe fondateur, un critère non négociable dans toutes mes amitiés futures.
Et puis il y a eu l’université.
Le point de bascule, celui qui change la donne. Celui qu’on ne voit pas venir, mais qui vous laisse différent à jamais. Je ne vais pas entrer dans les détails pour ne pas faire dans le pathos mais je crois que je peux dire, sans exagération, que cette année-là a été un traumatisme.
J’ai eu de mauvaises fréquentations. Des gens que je considérais, à tort, comme des amis ou de très bons copains et qui, à un moment donné, ont décidé de me faire du mal. Pas dans l’impulsivité mais de manière intentionnelle et concertée. Ils ont été très loin, et même si je n’étais pas parfait dans cette histoire, même si j’ai ma part de maladresses, ce que j’ai vécu à ce moment-là, personne ne devrait avoir à le vivre.
Je me suis retrouvé vidé. Psychologiquement, physiquement, émotionnellement, socialement. Plus rien ne tenait debout. Je ne dormais plus, je ne mangeais plus, je claquais des dents au fond de mon lit. Je ne voulais plus sortir dans la rue de peur de croiser quelqu’un. J’ai envisagé de changer d’école, de ville, de pays. Je voulais disparaître, tout effacer et tout recommencer ailleurs.
Cette année-là m’a redéfini radicalement. Je me suis promis que plus jamais je ne laisserai n’importe qui avoir accès à moi. Plus jamais je ne distribuerai ma confiance sans discernement.
Depuis, ma façon d’envisager l’amitié a profondément changé. Je suis toujours gentil, toujours curieux des autres mais mon cercle intime, lui est devenu minuscule. Je suis devenu sélectif. Pas par snobisme mais par instinct de protection.
La carapace du crabe
Je me fais respecter. Toujours, c’est ma priorité. Je ne laisse plus personne franchir mes limites sans conséquence mais je ne fais plus de fracas, je ne claque plus de portes, je ne fais plus de grandes scènes ni de grands discours. Je ne cherche plus à faire entendre mes raisons. Quand quelque chose me dérange ou me blesse, je me retire. Souvent en silence, sans bruit, mais avec une clarté intérieure absolue.
Et c’est là que beaucoup se trompent sur moi. Certains pensent que si je ne reviens pas, c’est de l’ego. Que je boude, que j’attends des excuses ou que je cherche à punir. La vérité, c’est que je n’attends plus rien. Quand je me retire, c’est uniquement par instinct de protection parce que ce qui a été dit, ce qui a été fait m’a blessé, et que je refuse de me réexposer à la même douleur.
Je n’ai pas de problème à reconnaître mes torts quand j’en ai. Je n’ai pas de difficulté à m’excuser quand je le juge nécessaire. Mais quand je pars, ce n’est jamais pour manipuler, ni pour punir. C’est juste le crabe qui rentre dans sa carapace (Team Cancer par ici). Cette bascule silencieuse mais brutale, quand celui qui était un refuge, un territoire sûr, devient, par ses gestes ou ses mots, un potentiel lieu de blessure. La loyauté est chez moi un socle non négociable, un critère cardinal. Quand elle vacille, c’est tout l’équilibre intérieur qui se fissure. On confond souvent le silence avec l’indifférence. Pourtant, derrière la carapace, ça cogne encore. Fort. Trop fort pour rester à découvert.
Les types de ruptures amicales
Les silencieuses, celles qui s’étirent, qui s’étiolent doucement, presque élégantes, où l’on finit par ne plus se donner de nouvelles, à force de silences polis, de messages remis à plus tard, sans jamais vraiment se dire que c’est fini… mais en sachant très bien que ça l’est.
Les insidieuses, celles qui ne ressemblent pas à des disputes mais qui en portent les cicatrices. L’éloignement géographique, les choix de vie qui bifurquent, les priorités qui changent… On se regarde soudain comme deux inconnus avec un passé commun. On sourit encore aux souvenirs, mais on sait très bien qu’ils ne suffiront pas à recoller le présent.
Les lentes, celles où, à force de petits renoncements, de déceptions minuscules mais accumulées, on finit par ne plus se reconnaître. On se croise encore, mais plus vraiment. On se parle encore, mais sans fond. On continue mais sans conviction. Par automatisme, par décence. Mais c’est creux. On maintient la forme quand le fond s’est déjà retiré.
Et puis les irréversibles. Les cassures nettes. Celles qui surviennent après un mot de trop, un acte de trop, une accumulation de petites blessures… ou simplement un décalage de valeurs devenu trop grand.
Scènes de rupture
Je pense notamment à cette personne avec qui j’ai pris mes distances pendant plusieurs années. Quelqu’un qui a beaucoup compté pour moi, que je connais depuis l’adolescence. On avait toujours été différents, c’était une différence qui m’enrichissait. Et puis un jour, je n’ai plus reconnu ses mots, ni ses gestes, ni ses choix. J’ai senti qu’on ne partageait plus rien, ni sur le fond, ni sur les valeurs, alors j’ai pris mes distances sans bruit. Parce que c’était devenu nécessaire. Je sais que ça a été mal vécu de son côté, que mon silence a été pris pour une punition.
Plus récemment, il y a eu ce fameux lendemain de Noël. Un autre genre de fracture… plus intime, plus fine, mais tout aussi douloureuse. J’étais fragile, fatigué, je n’allais pas bien. Après un accrochage, j’ai demandé à quelqu’un de très proche qui, jusque-là, avait toujours été là pour moi "Est-ce que je peux quand même compter sur toi ?" Et la réponse est tombée. Simple. Brutale. Inattendue. "Pas vraiment.”. Je ne saurais vous dire exactement ce qui s’est passé en moi, si ce n’est cette sensation précise : celle d’une terre qui se fissure sous mes pieds, d’un poids soudain sur mes épaules, d’un cœur qui, en un instant, s’est brisé net, comme fendu en éclats. Parce qu’à ce moment-là, cette personne a choisi de prioriser sa propre susceptibilité, ses émotions, son ressenti avant notre amitié.
Je n’ai pas coupé les ponts pour autant. Je ne lui en ai pas voulu très longtemps mais cette phrase, je crois qu’elle restera gravée. Six mois plus tard, la scène reste encore plantée quelque part entre la poitrine et la mémoire. Elle m’a fendu le cœur et m’a rappelé que même avec les personnes qu’on laisse entrer dans notre cercle le plus intime, on n’est jamais à l’abri d’être blessé. Que même les plus beaux liens peuvent avoir des failles.
Apprendre à se protéger sans s’endurcir
Aujourd’hui, je fais différemment.
Je sens quand une relation me coûte plus qu’elle ne m’apporte. Je repère les décalages, je vois venir les incompréhensions, les moments où il faudrait expliquer l’évidence, justifier mes ressentis… Je ne cherche plus à convaincre.
Je reste entier. Quand je donne, je donne sans compter. Avec tout ce que j’ai. Je m’investis, je m’ouvre, sans calcul, sans réserve, sans faux-semblants, loyal jusqu’à l’excès. Mais je me protège aussi. Toujours. Pas par fatigue, ni par économie de moi-même… simplement parce que je refuse de me faire mal, encore. Parce que je connais le prix de la douleur et que je ne veux plus payer l’addition. Parce que je ne veux plus passer des heures à recoller des morceaux que l’autre ne tient même pas à réparer. Parce que j’ai appris que préserver son intégrité émotionnelle est aussi un acte de loyauté… envers soi-même.
Je ne suis pas revanchard ni nostalgique, je ne regarde pas en arrière avec regret ni rancune. Je garde en moi le souvenir de ce que ça a été, de ce qu’on aurait pu rester, de ce qu’on ne sera plus.
Je ne souhaite de mal à personne. Il y a peu, j’ai lu une phrase que je trouve si juste : "Just because you lost me as a friend doesn’t mean you gained me as an enemy. I still want to see you bloom… just not in my garden" :)
Et vous, quelle place accordez-vous à la loyauté dans vos amitiés ? Quelle est votre propre seuil de tolérance avant de partir ? Je serais curieux de lire vos histoires, vos réflexions, vos doutes ou vos certitudes. N’hésitez pas à me répondre directement, à partager vos expériences en commentaire, ou à échanger sur Instagram.
Vous m’en direz des nouvelles,
AC
Dans le rétro
Et parce que depuis que j’ai eu trente ans je me dis que c’était mieux avant ; il y aura bien évidement, à chaque fin de newsletter, un petit clin d’oeil pour que l’on regarde ensemble dans le rétro (c’est le nom de ma playlist vintage sur Spotify). Comme un petit PS, un shoot de good vibes. Une petite piqûre qui viendrait dire “Hey toi, tu vieillis grandis tu sais !”.
Si quelque chose vous a interpellé ou si vous avez simplement envie de partager votre avis, n’hésitez pas à m’envoyer un message sur instagram ou en commentaire ci-dessous.
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Bonjour Andy, qu'elle belle façon d'écrire !
Tu sais choisir les expressions qui touchent, ça m'a fait remonter beaucoup de souvenirs et ta phrase " je peux quand même compter sur toi" c'est exactement ce qui s'est passé pour moi quand ma vie a changé ! Je souhaite que tu puisses reconstruire une vraie amitié parce que pour nous il n'est resté que de la méfiance ! Beaucoup de copains mais plus d'amis !
Bravo pour tes post 👏
J'ai adoré ! Bravo Andy